Et à la dernière page, les Eléa et Païkan actuels nous apparaissent soudain plus normaux, plus humains – nous ressemblant – avec leurs pupilles rondes, comme les nôtres… Enfin, qu'il s'agisse des décors ou des personnages, Christian De Metter ne se contente pas d'un dessin classique, mais nous propose un travail plastique et texturé. On voit parfois l'outil avec la touche du pinceau, le tracé du crayon, les projections ou les lavis d'encre ou d'aquarelle. On apprécie le grain de l'image, les traits et les hachures qui rajoutent du volume. Si le résultat est bon pour les scènes se déroulant à notre époque, il est excellent en Gondawa. Les souvenirs de ce pays légendaire portent un exotisme à la fois fascinant et un peu effrayant. Une bonne adaptation, qui porte l'essence de l'oeuvre originale Au-delà de l'aspect esthétique, cette version BD de La Nuit des temps est aussi réussie sur le fond. Christian De Metter fait les découpages qui s'imposent. Sans dénaturer l'oeuvre, il la réduit pour nous en fournir un condensé propice à s'adapter aux spécificités du médium qu'est la bande dessinée.
"Chaque vivant de Gondawa recevait chaque année une partie égale de crédit, calculée d'après la production des usines silencieuses. Ce crédit était inscrit à son compte géré par l'ordinateur central. Il était largement suffisant pour lui permettre de vivre et de profiter de tout ce que la société pouvait lui offrir. Chaque fois qu'un Gonda désirait quelque chose de nouveau, des vêtements, un voyage, des objets, il payait avec sa clé. Il pliait le majeur, enfonçait sa clé dans un emplacement prévu à cet effet et son compte, à l'ordinateur central, était aussitôt diminué de la valeur de la marchandise ou du service demandés". Gondawa, c'est la Cité radieuse du roman de science-fiction La nuit des temps de René Barjavel, paru en 1968. Il nous conte la découverte par une équipe de glaciologues français d'une cité enfouie sous les glaces de l'Antarctique; et au milieu de cette cité, d'un œuf en or où sont conservés deux corps au zéro absolu. Les savants appelés du monde entier pour étudier cette civilisation disparue et apparemment beaucoup plus évoluée que la société d'avenir que Barjavel met en scène en guise de futur de notre modernité, réussissent à réanimer l'un de ces corps, une femme à la beauté parfaite, Eléa, dont ils parviennent à déchiffrer le langage.
Mais le scénario piétine, jusqu'au jour où Barjavel se rend compte que leur histoire « boite » « parce qu'elle n'a qu'une seule jambe ». L'auteur ajoute donc Eléa, une femme qui symbolise une nouvelle Ève, et invente une histoire d'amour proche d'une tragédie grecque. Du frisson et de l'amour Conscient des enjeux géopolitiques de son époque, l'auteur, à travers la chute du Gondawa, met en garde contre l'apocalypse nucléaire. Eléa raconte que « la troisième guerre » entre le Gondawa et son rival Enisoraï a provoqué 800 millions de victimes en une heure de conflit. « À la surface de notre continent, il ne restait plus rien et les survivants ne pouvaient pas remonter à cause des radiations mortelles. » Ce témoignage faisant écho à la guerre froide n'empêchera pas les pays présents en Antarctique de mener une guerre d'influence pour prendre le contrôle des technologies futuristes de cette civilisation disparue. La Nuit des temps est aussi, et surtout, une romance façon Roméo et Juliette ou Tristan et Iseult.
D ans quelques heures, la surface de la planète Gondawa sera entièrement détruite par un ennemi héréditaire en possession de l'arme solaire, l'équivalent d'une puissante bombe atomique. Pour leur échapper et que soit préservé la lignée de leur civilisation, les amants Païkan et Éléa, pourtant liés indéfectiblement par un programme informatique, se retrouvent séparés l'un de l'autre...... 900 00 ans plus tard, une assemblée de chercheurs et de scientifiques écoutent, médusés, le témoignage incroyable et bouleversant d'une femme qu'ils viennent de retrouver enfouie sous plusieurs kilomètres de glace et de ramener à la vie. « L'ordinateur central nous désigne l'un à l'autre comme s'il rassemblait les deux moitiés d'un tout. » - Éléa, matricule 3-19-07-91 Avant-gardiste voire visionnaire, René Barjavel (1911-1985) a laissé dans son sillage une œuvre d'anticipation et de science-fiction particulièrement riche, semblable à une empreinte éternelle au sein de la littérature fantastique. Après Ravage publié en 2016, c'est au tour de La nuit des temps de connaitre les honneurs de l'adaptation en bande dessinée.
Eléa était en couple avec Païkan, tous deux désignés l'un à l'autre depuis leur 7 ans. Un jour, Eléa avait reçu un ordre de mobilisation de la part d'un scientifique dénommé Coban. Gondawa et son ennemi Enisoraï étaient sur le point de tout anéantir. Le scientifique avait construit un abri afin de pouvoir résister au cataclysme et ainsi faire renaître leur civilisation grâce à un homme, lui, et une femme, choisis par l' ordinateur de Gondawa selon leurs qualités physiques et intellectuelles. Eléa avait refusé d'être cette femme mais Coban l'avait forcée à prendre le sérum universel permettant de traverser le froid absolu sans encombre. Peu après, ne voulant pas être séparée de Païkan, elle avait réussi à s'enfuir et à le rejoindre, mais le couple était poursuivi par Coban... Mythologie Pour le cadre de ce roman, Barjavel a imaginé une ancienne civilisation dotée de coutumes, d'un langage et d'une technologie avancée. Certaines de ses inventions peuvent aujourd'hui être considérées comme visionnaires comme, par exemple, la clé qui se rapproche de la carte à puce.
Dans sa Lettre ouverte aux vivants qui veulent le rester, tout comme dans ses ouvrages antimilitaristes, Barjavel se montre notamment opposé au nucléaire civil. Ses œuvres expriment une angoisse devant une technologie qui peut échapper à l'homme; il souhaite montrer que les excès de la science peuvent aller de pair avec une folie guerrière comme une chute de la civilisation. Face à ces visions apocalyptiques se dresse une représentation idéale de l'amour, sentiment qui transcende l'homme et permet des ponts temporels. « Lanceur d'alertes » littéraire, Barjavel déploie donc une littérature prophétique et apocalyptique au fil d'œuvres qu'il veut poétiques, oniriques, et parfois philosophiques. Il s'est aussi essayé au théâtre, avec notamment Madame Jonas dans la baleine, montée au théâtre des Bouffes-Parisiens en 1976. S'il est devenu un auteur populaire, encore très lu au XXIe siècle, sa collaboration avec Je suis partout ou Gringoire pendant la guerre, périodiques collaborationnistes, a souvent été pointée du doigt, ainsi qu'une certaine misogynie dans ses écrits et une œuvre peu neuve, recyclant la matière d'œuvres étrangères.
« Nous avons quelque chose en commun qui est plus fort que nos différences: c'est le besoin de connaître [... ]. Nous appartenons à toutes les disciplines scientifiques, à toutes les nations, à toutes les idéologies. Vous n'aimez pas que je sois un Russe communiste. Je n'aime pas que vous soyez de petits capitalistes impérialistes lamentables et stupides, empêtrés dans la glu d'un passé social en train de pourrir. Mais je sais, et vous savez que tout ça est dépassé par notre curiosité. Vous et moi, nous voulons savoir. Nous voulons connaître l'Univers dans tous ses secrets, les plus grands et les plus petits. Et nous savons déjà au moins une chose, c'est que l'homme est merveilleux et que les hommes sont pitoyables, et que chacun de notre côté, dans notre morceau de connaissance et dans notre nationalisme misérable, c'est pour les hommes que nous travaillons. »... Uniquement disponible sur
Pokemon Gold Rom Ds, 2024